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hallo,
ungl aublich, aber wahr, es gibt zu viele betrügereien über kreditangebot
Par Sabine, le 08.02.2022
comment ne pas aimer la corse !
Par Anonyme, le 20.07.2021
bonjour,
me rci pour ce relais...
nou s connaissons-no us peut-être?
bien à vous.
hugue s simard
Par Anonyme, le 03.05.2021
et comme toujours pas un mot sur la seule cause à la base de la catastrophe climatique : la surpopulation, jam
Par anonyme, le 22.04.2021
donat nonnotte; donatien nonnotte, né le 10 février 1708 à besançon et mort le 5 février 1785 à lyon, est un p
Par Anonyme, le 14.03.2021
coupable demain sur base moi monde infos mort merci belle musique femme rose nuit sourire bonne place coup chez amis bonjour voyage histoire annonce france presse sport nature coupable photo tocard société femmes roman automne annonce
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Date de création : 16.06.2010
Dernière mise à jour :
01.08.2024
1173 articles
Résumé;
1983, Carrickfergus, près de Belfast, en plein conflit nord-irlandais.
L’inspecteur Sean Duffy, l’un des rares catholiques au sein de la police royale d’Ulster, est radié sur la base de fausses accusations (en réalité pour avoir royalement emmerdé le FBI…). Au même moment, Dermot McCann, expert artificier de l’IRA et ancien camarade de classe de Duffy, s’évade de prison et devient la cible principale des services de renseignements britanniques.
Le MI5 extirpe alors Duffy de sa retraite alcoolisée afin que ce dernier les aide à traquer McCann. Mais pour débusquer la cachette du fugitif, l’ex-inspecteur devra d’abord résoudre une énigme en chambre close. Sa quête le mènera finalement à Brighton, où se trame une tentative d’assassinat sur le Premier ministre britannique, Margaret Thatcher.
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Extraits;
1. La grande évasion
Le bipeur se met à couiner à seize heures vingt-sept le dimanche 25 septembre 1983. Un do dièse strident toutes les quatre secondes, annonçant – en tout cas pour ceux d’entre nous qui ont pris la peine de lire le manuel – une urgence de niveau 1. Il s’agit d’une alerte générale envoyée à tous les policiers, réservistes et soldats d’Irlande du Nord, même en repos. Il n’existe que cinq alertes de niveau 1, parmi lesquelles : attaque nucléaire soviétique, invasion soviétique, et ce que les fonctionnaires qui ont rédigé le manuel ont nonchalamment nommé “intrusion extraterrestre”.
On pourrait donc s’attendre à ce que je me sois rué sur le bipeur à l’autre bout de la pièce avant de courir, en proie à une panique grandissante, vers le téléphone le plus proche. Mais ce serait se fourrer le doigt dans l’œil. D’abord parce que je plane plus haut que Skylab, défoncé à la résine de cannabis turc que j’ai cuite moi-même et roulée avec du tabac doux de Virginie. Et ensuite parce que je joue à Galaxian sur mon Atari 5200 avec le volume de la télé à bloc et les rideaux tirés pour une expérience immersive des plus prenantes. Je n’entends même pas le bipeur, dont le bêlement répétitif se confond avec celui des vaisseaux rouges qui se détachent de la flotte ennemie pour fondre sur moi de manière terriblement prévisible.
Les éviter ne me pose aucun problème malgré le génie monstre de leurs programmeurs adolescents d’Osaka, parce que j’ai l’art et la manière, là où les mecs n’ont que des 1 et des 0. Je braque la manette à gauche, embrasse le coin de l’écran et esquive facilement leur largage systématique de bombes à fragmentation. Tiré d’affaire, je me replace au milieu pour zigouiller la totalité de l’escadron qui tente de se remettre en formation. C’est seulement au changement de niveau, en m’apercevant que je ne suis pas loin d’exploser mon record, que je remarque le bout de plastique gris rectangulaire posé sur la table basse, qui vibre et bipe avec ce qui m’est apparu plus tard comme davantage d’insistance que d’habitude. Je lance un coussin sur l’engin et me rassois sur le tapis pour continuer ma partie. Alors c’est le téléphone qui se met à sonner sans s’arrêter, et je finis, plus par exaspération que curiosité, par faire pause et aller répondre. C’est le sergent Pollock, d’astreinte au poste de Bellaughray.
— Duffy, tu réponds pas à ton bipeur !
— C’est peut-être les Soviets qui ont bloqué le signal.
— Quoi ?
— Qu’est-ce qui se passe, Pollock ?
— T’es à Carrickfergus ?
— Ouais.
— Présente-toi au poste de police. On est en alerte niveau 1.
— C’est quoi le topo ?
— C’est pas rien. Évasion en masse de détenus de l’IRA de la prison de Maze.
— Sans déconner ! Tu parles d’une couille.
— C’est la panique à tous les étages, mec. On a besoin de tout le monde.
— D’accord. Mais je te rappelle que c’est mon jour de congé alors c’est double salaire pour moi.
— Duffy, comment tu peux penser au fric à un moment pareil ?
— Avec une facilité déconcertante, Pollock. N’oublie pas. Double salaire. Marque-moi ça dans le registre.
— D’accord.
— Encore du beau boulot de la part du service pénitentiaire de Sa Majesté, hein ?
— Comme tu dis. En espérant qu’on va réussir à rattraper le coup… Ça te va de te présenter à Carrick ? Je sais que t’y es pas retourné depuis ta… hem… rétrogradation. Je peux toujours t’envoyer au RUC3 de Newtownabbey.
— Te bile pas, Pollock. Je serai comme un poisson dans l’eau.
— Je l’espère.
Je raccroche et m’adresse à la flotte galaxienne qui plane en silence sur l’écran.
— Retournez voir vos chefs de l’espace et dites-leur que les Terriens vous donnent du fil à retordre !
Sur quoi je débranche la console Atari de la télé et mets les infos. La prison de Maze (autrefois connue sous le nom de Long Kesh), établissement de haute sécurité, est considérée comme l’un des pénitenciers les plus infaillibles de toute l’Europe. Évidemment, dans la famille “infaillible”, on pense immédiatement à cette autre grande innovation de Belfast, “l’insubmersible” Titanic. Les faits tombent au compte-goutte tandis que j’enfile mon uniforme et mon gilet pare-balles. Trente-huit prisonniers de l’IRA se sont échappés du Bloc H7. Ils ont pris des otages grâce à des armes entrées dans l’établissement clandestinement, volé une camionnette de blanchisserie et fait péter la grande porte. Un gardien de prison est mort et une vingtaine d’autres blessés. “Parmi les évadés figurent des détenus condamnés pour meurtre et certains des principaux artificiers de l’IRA”, dit la charmante présentatrice du journal de la BBC d’une voix hachée.
— Manquait plus que ça, je marmonne, en me demandant si je vais en coffrer un moi-même.
Je me fais une tasse de café instantané et j’engloutis un bol de Frosties pour chasser les effets du cannabis turc.
— Oh, Mr Duffy, vous avez entendu les nouvelles ? me demande Mrs Campbell par-dessus la clôture quand je sors rejoindre ma BMW.
Vu que je porte un gilet pare-balles, un casque anti-émeutes et une mitraillette Heckler & Koch MP5, Mrs C. doit manquer d’esprit de déduction, mais je lui adresse un sourire sombre.
— Vous voulez parler de l’évasion ?
Elle coince une mèche de cheveux auburn derrière son oreille.
— Oui, quel choc, ils vont venir nous assassiner jusque dans nos lits ! Qu’est-ce que je vais devenir avec mon Stephen coincé à l’étage à cause de son invalidité temporaire ?
L’invalidité en question consiste en un régime strict à base de gin et de vodka bon marché, de sorte qu’à midi, Stephen est aussi beurré qu’Oliver Reed sur le tournage des Trois Mousquetaires. Mrs Campbell est une belle femme, malgré ses problèmes, sa chemise de nuit des années 1950 et sa clope au bec.
— Ne vous en faites pas, Mrs C., je serai bientôt de retour, je fais, en me la jouant Christopher Reeve dans Superman II quand il assure à Lois qu’il ne fera qu’une bouchée du général Zod.
Je ne suis pas sûr qu’elle ait saisi la part d’auto-parodie dans mon imitation de Reeve, mais elle se penche au-dessus de la clôture, dépose un baiser à la cendre sur ma joue et murmure un merci.
Je réponds par un bref hochement de tête, descends l’allée et monte dans ma BMW. Avant de mettre le contact, je ressors vérifier qu’il n’y a pas de bombe à interrupteur au mercure en dessous. Rien à signaler. Je me remets au volant et glisse une cassette de Robert Plant dans l’autoradio, The Principle of Moments. C’est la quatrième fois que j’écoute son album solo et je n’arrive toujours pas à l’aimer. Tout en synthétiseurs, boîtes à rythmes, et voix haut perchées. C’est un signe des temps, et on peut affirmer sans risque de se tromper que dans l’histoire de la musique pop, 1983 sera la pire année de ces deux dernières décennies.
Je longe le quartier écossais et prends à droite pour entrer dans le poste de police de Carrickfergus pour la première fois depuis un bail. C’est une sensation étrange. Le jeune qui monte la garde ne me connaît même pas. Il jette un œil à ma plaque, hoche la tête, me regarde, fronce les sourcils, et lève finalement la barrière pour me laisser passer. Je me gare sur le parking visiteurs tout pourri à l’écart du poste et marche jusqu’au bureau du sergent de service. Quelques petites choses ont changé. Ils ont repeint les murs en rose hôpital psychiatrique et mis des plantes vertes partout. Je sais que l’inspecteur principal Brennan a pris sa retraite et qu’ils ont mis à sa place un officier de police de Derry, le divisionnaire Carter. Je ne sais pas grand-chose sur son compte, à part qu’il est jeune, dynamique et fourmille d’idées – ce qui, il faut bien l’admettre, fout les jetons. Mais bon, je ne suis plus chez moi ici, alors qu’est-ce que ça peut me faire de plus trop m’y retrouver ?
Celui qu’on a nommé provisoirement à la tête du CID4 de Carrickfergus, c’est mon ancien équipier, le fraîchement promu sergent-inspecteur John McCrabban, et ça c’est une bonne nouvelle. Je monte, me glisse dans la salle de réunion et essaie de ne pas me faire remarquer.
— … pourrait nous être utile. On démarre l’opération Chaudron. Blocage de toutes les voies d’accès à Maze. Notre secteur concerne les routes côté nord et côté est, l’A2 et bien sûr les routes qui mènent à Antrim. On travaille en coordination avec le RUC de Ballyclare…
Carter est grand, avec une pomme d’Adam proéminente et des cheveux châtains bouclés. Efflanqué, perché sur l’estrade, il penche vers l’avant comme s’il allait nous coller une baffe. J’écoute son petit laïus, qui parle de dangers et de défis, et se termine sur un écho au fameux discours de Churchill “Nous nous battrons sur les plages”. Le mec en fait des caisses, mais une poignée de jeunes réservistes applaudissent à la fin. En sortant de la salle, je dis bonjour à quelques amis. L’inspecteur Douggie McCallister vient me serrer la main.
— Content de te voir, Sean. Mince, si t’étais arrivé cinq minutes plus tôt, t’aurais pu voir McCrabban et Matty mais ils viennent de partir avec les forces anti-émeutes. Comment va ?
— Bof, Douglas, moyen. Il est comment le nouveau patron ?
Douggie lève les yeux au ciel et baisse d’un ton.
— S’il mesurait pas deux mètres, je te dirais que c’est un nain autoritaire qu’a besoin d’un auditoire.
— Ah ouais. Bon, tu peux toujours lui faire le bon vieux coup de la Thorazine dans le whisky.
— Sauf qu’il est abstinent, Sean. Il ne boit que du thé. Il veut même interdire l’alcool au poste, voire dans toute l’île, à en croire ses diatribes.
— Je crois qu’en Amérique, ils ont déjà tenté le coup, avec des résultats franchement mitigés.
— Ouais, bon, une crise à la fois. Viens, que je t’inscrive au tableau de service. Tu sais toujours conduire un Land Rover ?
— Est-ce que le pape est catholique ?
Je prends mon Land Rover blindé et, avec un groupe d’agents sur les dents, on prend la direction de Derryclone, sur les rives de Lough Neagh. Il nous faut deux heures et demie pour passer tous les barrages de police et atteindre notre destination, où nous montons notre propre barrage. L’opération Chaudron dans toute sa splendeur.
Sur Radio 3 passe le Requiem de Ligeti, dont l’atmosphère lugubre n’est en rien allégée par les nuages noirs, la bruine continue et les corbeaux solitaires qui croassent au-dessus de nos têtes, perchés sur des fils électriques distendus. Quand j’ouvre les portières arrière, deux des gars sont en train de lire leur Nouveau Testament des Gédéons, un autre sèche ses larmes et l’unique réserviste catholique tripote, à mon grand embarras, un rosaire.
— Putain, les mecs ! On se croirait dans un minibus de Juarez pendant le Día de los muertos, là. Bougez-vous ! C’est de la routine, ça. On ne va pas tomber sur des desperados terroristes, promis.
On monte notre barrage sur la route secondaire peu passante qui longe Lough Neagh et au bout d’une heure ou deux de néant total, il devient évident même pour le plus morose des jeunes tâcherons qu’aucun des évadés de Maze ne va se pointer dans notre direction.
Des hélicos équipés de projecteurs venus de la base de la RAFd’Aldergrove sillonnent le ciel. À la radio, on annonce que le secrétaire d’État à l’Irlande du Nord a démissionné, puis un peu plus tard que Mrs Thatcher a démissionné elle aussi.
Je déconne. Personne n’a démissionné et je prédis aux jeunots que lorsque l’enquête sur l’évasion sera publiée, personne au-delà du grade d’inspecteur ne sera inquiété. (Vous pouvez lire le rapport Hennessy de 1984 si vous voulez la preuve de mes remarquables dons de voyance.)
Un autre Land Rover arrive du RUC de Ballymena et ces flics-là parlent un tel dialecte qu’on a du mal à les comprendre. Le gros de la conversation semble tourner autour de Jésus et des tracteurs, une association improbable, en tout cas si on ne connaît pas Ballymena. Un troisième Land Rover arrive tard le soir, avec à son bord des gars de Coleraine. Personne n’a eu l’idée d’apporter du chocolat chaud, ou à manger, ou des cigarettes, mais l’inspecteur du poste de Coleraine a pris un jeu d’échecs de voyage, rien que pour le plaisir de mettre la pâtée à tout le monde. Je lui raconte mon histoire sur Boris Spassky. (C’est un journaliste qui lui demande : “Monsieur Spassky, que préférez-vous, les échecs ou le sexe ?” Et Spassky répond : “Tout dépend de la position.”) Mais ça ne l’impressionne pas et je me retrouve échec et mat en onze coups.
Vers minuit, il pleut plus fort. La nuit est longue et froide. Au petit matin, on arrête enfin notre première voiture : une Austin Maxi conduite par une dame d’un certain âge qui revient de l’église et essaie de rentrer chez elle depuis l’heure du déjeuner. Hélas, pas de prisonniers évadés dans son coffre. Cependant, elle est en possession d’une boîte de biscuits, et après de longs échanges, dans l’intérêt des bonnes relations intercommunautaires, on décide de la lui laisser.
En proie à un ennui mortel, on écoute les infos embrouillées et contradictoires qui circulent sur la fréquence de la police. Des émeutes auraient éclaté dans Belfast Ouest mais ça n’aurait été qu’un stratagème pour faire diversion et donc le quartier général n’a pas envoyé beaucoup de soldats ou de flics pour s’en charger.
Juste avant l’aube, on se paie quand même une tranche d’excitation : un pilote d’hélicoptère de l’armée croit voir quelqu’un se cacher dans les roseaux sur la rive sud du lac. La radio aboie des ordres et on nous envoie, avec d’autres patrouilles mobiles, jeter un œil. Quand on arrive, un petit régiment de gardes gallois est en train de tirer dans l’eau à la mitrailleuse. Au lever du soleil, on s’aperçoit qu’ils ont réussi à massacrer tout un vol d’oies du Groenland épuisées, qui avaient eu l’imprudence de faire halte ici avant de gagner le Sud de la France.
Les gars de Ballymena chopent une oie chacun et on repart en voiture vers notre avant-poste. Je mets BBC Radio 4. Aux dernières nouvelles, dix-huit évadés ont été recapturés mais les autres sont encore dans la nature. La liste de leurs noms tombe à midi. Je n’en connais qu’un… et pas des moindres : Dermot McCann. Dermot et moi on allait à l’école ensemble à Derry, à St Malachy. Un mec très intelligent, il était responsable des élèves, et moi suppléant. Beau, bon en sport, charmant, Dermot envisageait de se lancer dans la presse écrite, voire dans le journalisme télé. Mais les Troubles ont tout changé et il s’est engagé dans les rangs de l’IRA tout comme j’ai songé à le faire à l’époque de Bloody Sunday.
Au terme d’intrigues diverses, j’ai fini par rejoindre la police et Dermot a été plusieurs années membre de l’IRA provisoire avant de se faire arrêter. Artificier très doué, expert en explosifs, il a tout bonnement été trahi par un informateur. Le mouchard désignait Dermot comme un acteur essentiel, mais en l’absence de preuve scientifique, un flic zélé l’a piégé en collant ses empreintes digitales sur un bloc de plastic. On l’a jugé coupable, et avant de s’évader, il tirait une peine de dix ans pour association de malfaiteurs et préméditation d’attentats à la bombe.
Je n’ai pas pensé à lui depuis un bail, mais au cours des semaines qui suivent l’évasion, on apprend qu’il figurait parmi les cerveaux de l’opération. Il avait trouvé le moyen de faire entrer des armes clandestinement dans la prison, et c’était lui qui avait eu l’idée de prendre des gardiens en otage et d’enfiler leurs uniformes pour ne pas alerter les tours de garde.
Dermot a atteint le district de Tyrone Sud avant de passer la frontière vers la République d’Irlande. J’apprends plus tard par le MI5 qu’on l’a repéré avec un groupe d’élite de l’IRA dans un camp d’entraînement terroriste en Libye. Mais même en ce lundi matin de chien, sur les rives est de Lough Neagh, dans la brume qui plane sur l’eau et la pluie que crache le ciel gris de septembre, je suis convaincu, à l’image de la glaçante fatalité des contes de fées, que nos chemins se croiseront à nouveau.
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3. Royal Ulster Constabulary : police royale de l’Ulster. (Sauf indication contraire, toutes les notes sont de la traductrice.)
4. Criminal Investigation Department : section d’enquêtes criminelles.
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2. La petite évasion
Il se fait tard en cette froide journée de décembre et le prisonnier 239 s’occupe à ce qu’il fait le mieux : attendre. Il n’a pas toujours excellé en la matière. Gamin, il était agressif et impertinent. À l’école, il était brillant mais souvent impatient et impulsif. C’est dans la prison de Maze qu’il a appris à attendre. En tant que dirigeant de l’IRA, il a souvent atterri au mitard, où seule l’attente lui a tenu compagnie. Il a passé cinq ans à attendre dans la prison de Maze, à apprendre, manigancer, comploter. Ici, dans ce cercueil de béton en bordure du désert, bien qu’il soit plus difficile d’avoir la notion du temps, il attend encore. Au cours des premiers jours qui ont suivi son arrestation, enragé, il a tapé des poings contre la porte métallique.
— C’est une erreur monumentale ! il a crié. On nous a invités ici !
Mais rien n’y faisait. Le seul effet, c’est qu’ils accouraient avec le tuyau en caoutchouc pour le faire taire.
Il sait qu’il n’est pas seul dans l’établissement, mais ici, il n’y a pas de détenus dans les cellules voisines de la sienne, ce qui accroît son sentiment d’isolement, tout comme la fenêtre trop haute, la cour et ses quatre murs, et les matons, qui ont reçu l’ordre de ne jamais lui adresser la parole ou répondre à ses questions. Mais il ne lui a fallu que quelques jours pour se rappeler ses anciennes aptitudes. Il a réappris à tirer profit du temps pour ne pas se laisser exploiter par lui. Il a lu les romans français qu’on lui a donnés et ce qu’il restait des journaux anglais une fois que le censeur de la prison les avait eus en main. Dans toutes les cultures, il s’agit d’un poste subalterne, et ce que le type découpait dans les pages en disait certainement plus long sur lui qu’il ne l’imaginait.
Il s’est mis à coucher ses pensées dans les carnets qu’on lui laissait. Une page sur deux, il dessinait sa mère de mémoire, ses frères et sœurs ou des vues de Derry. Il se doutait que lorsqu’ils l’escortaient en promenade ou au bloc sanitaire, ils lisaient et prenaient en photo ce qu’il écrivait, mais il s’en fichait. Il composait des poèmes, prenait des notes pour des manifestes politiques ou sur des anecdotes de son enfance. Peut-être même qu’il a écrit sur moi, mais j’en doute, et de fait, mon nom ne figure nulle part dans les documents que m’ont transmis plus tard les Renseignements britanniques. En vérité, je n’ai jamais été son meilleur ami, plutôt un parasite, un coursier, une groupie… Pendant un temps, au lycée, j’ai même été le faire-valoir, le fou du roi… jusqu’à ce qu’il se lasse de moi et intronise un autre tocard à ma place.
Au fil des semaines, les entrées du journal du prisonnier 239 se sont étoffées. Il parlait de son enfance et de son adolescence dans le Bogside dans les années 1950 et 1960. De ce jour atroce à Derry où les paras ont massacré une douzaine de civils qui manifestaient simplement pour l’égalité des droits… De Bloody Sunday, qui l’avait poussé, comme tous les autres jeunes de la ville, à s’engager.
Moi y compris, bien sûr. En fait, la dernière fois que j’ai vu Dermot McCann, c’est le jour où je me suis docilement tourné vers lui pour lui demander si moi aussi, je pouvais intégrer la Provisoire. Il a refusé net.
— T’es à Queen’s University, Duffy. Restes-y. Le mouvement a besoin de poigne mais aussi de cerveaux.
Bien entendu, une fois que je suis devenu flic, il a dû carrément me radier du sien…
En ce dernier jour de décembre, le prisonnier 239 tire le mince matelas blanc de son lit et le pose sur le sol de sa cellule. Il écrit dans son journal qu’allongé dans le coin près de la porte, il peut voir, à l’occasion, des cirrus s’effilocher par les toutes petites ouvertures pratiquées en haut du mur. Il sent l’odeur du désert portée par le khamsin qui souffle du sud, et bien qu’il ne soit pas censé savoir où on le retient prisonnier, il sait qu’il se trouve au sud-est de Tobrouk, probablement à moins d’une dizaine de kilomètres de la frontière égyptienne. La liberté… si seulement il pouvait sortir, s’échapper. Et si quelqu’un peut s’évader des geôles de Kadhafi, c’est bien Dermot McCann.
Il s’allonge par terre et décrit les variations de couleur du ciel de la fin d’après-midi. Le ful et le pain pita qu’on lui apporte à six heures. La symphonie carcérale nocturne : les clés qui tournent dans les serrures, le couinement des baskets sur le sol ciré, les voix d’hommes au niveau inférieur, une radio dans le lointain, la vermine dans le couloir, le fracas métallique d’un camion sur une route frontalière, et, parfois, selon le vent, les jappements des chacals au bord d’un oued.
Le prisonnier 239 écrit et il attend. Il explore le panorama de son esprit et de sa mémoire. “La société améliore l’entendement, a-t-il inscrit sur la première page de son journal, mais la solitude est l’école du génie !”
En ce dernier soir de décembre, il allume un bout de chandelle rouge (il y a de la cire rouge sur le carnet), dessine un renard, s’enroule dans sa couverture et s’endort. Il se réveillera sans doute au lever du soleil, et quand les gardiens lui apporteront son petit-déjeuner, il percevra peut-être leur changement d’humeur et d’attitude. Il remarquera peut-être qu’ils lui sourient et que l’un d’eux lui apporte des vêtements tout neufs.
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3. L’incident
Décembre. Ça fait presque un an qu’on m’a exclu du CID et rétrogradé du grade d’inspecteur principal à celui de sergent – je veux dire simple sergent, pas sergent-inspecteur. Comme on peut s’en douter, après avoir été inspecteur, c’est très compliqué de retourner au boulot d’agent en uniforme dans un poste de police frontalier. Officiellement, si le RUC me saque, c’est parce que j’ai enfreint tout un tas de règles de mes deux, mais en vrai c’est parce que j’ai agacé des agents du FBI haut placés dans l’affaire DeLorean et ils ont voulu me remettre à ma place.
Les postes de police le long de la frontière sud du comté d’Armagh ne sont que des écoles de bonnes manières pour alcooliques et suicidaires, avec le petit frisson en plus que procure le risque de se faire tirer dessus ou tuer par une explosion en patrouillant à pied, mais moi ce qui m’a achevé, c’est le soir où on a dû raccompagner le sergent Billy McGivvin après une bagarre d’arsouilles qu’il avait provoquée dans un pub. Billy habitait dans mon coin, et j’étais déjà allé dîner chez lui, alors c’est moi qu’on a chargé de le ramener en un seul morceau…
Il était neuf heures du soir passées, et on roulait sur Lower Island Road en direction du village de Ballycarry. On était trois. Le sergent McGivvin et moi à l’arrière, Jimmy McFaul au volant. En théorie, c’était une voie à double sens, mais en réalité, le chemin à bétail était si étroit que Jimmy a failli nous envoyer dans le fossé quand une voiture est arrivée dans l’autre sens.
Pour ne pas éblouir l’autre conducteur, Jimmy est repassé en feux de croisement. Je regardais par le vitrage pare-balles du Land Rover mais je ne voyais que les haies qui bordaient la route et les pâturages marécageux qui s’étendaient au-delà.
Le Land Rover a émis un son mat.
— C’était quoi, ça ? j’ai fait.
— J’en sais rien, a dit Jimmy.
— En tout cas j’ai pas rêvé.
— Tu crois qu’on nous a tiré dessus ?
J’ai entendu des balles ricocher sur le blindage d’un Land Rover de police des dizaines de fois, et ça a jamais fait ce bruit-là.
— Non, je pense pas.
— Quoi qu’il en soit, faut ramener McGivvin chez lui.
La semaine précédente, la femme de Billy McGivvin s’était fait la malle avec leurs trois gamins. Un avocat l’a informé qu’elle était en Angleterre et qu’elle demandait le divorce pour alcoolisme et violence conjugale. McGivvin avait décidé de contrer ses arguments en allant au Joymount Arms à Carrickfergus se prendre une cuite. Il s’était mis à insulter les clients, à traiter les femmes de salopes et de putes, et quand ils avaient essayé de le foutre dehors, Billy avait dégainé son arme de service.
McGivvin était déjà un officier de police médiocre avant que sa femme le quitte, et il ne faisait aucun doute que maintenant ça allait empirer. Mais c’était pas mes oignons. Ce qui m’inquiétait en revanche, c’était l’éventualité qu’il gerbe sur mon uniforme, que j’avais récupéré au pressing seulement deux jours plus tôt.
— Ça va aller, mon pote, t’en fais pas, je lui répétais. On est bientôt arrivés.
— Booorrrhh, il a répondu en bavant sur le plancher en tôle.
On est arrivés à Ballycarry sans encombre et on a trouvé sa ferme sur Manse Street. Jimmy a garé le Defender et traîné McGivvin sous le crachin. Pas moyen de trouver une clé sous un pot de fleurs ou le paillasson, alors on a fracturé la porte de derrière.
Une fois McGivvin calé sur le canapé du salon en position latérale de sécurité, on a posé un seau par terre à côté de lui et défait les boutons de sa chemise. ...
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Bio;
Né à Belfast, Irlande du Nord , le 06/08/1968 Adrian McKinty est un écrivain irlandais, auteur de roman policier et de littérature d'enfance et de jeunesse.
Il a suivi des études de droit à l'université de Warwick et de sciences politiques et de philosophie à l'université d'Oxford. Il s'installe ensuite à New-York au début des années 90.
Son premier roman "A l'automne, je serai peut-être mort" (Dead I Well May Be, 2003), est largement salué par la critique, et fait de l'auteur une voix importante du roman noir américain.
"Le Fils de la Mort" (The Dead Yard, 2006), paru dans la série noire de Gallimard, confirme le talent de l'écrivain pour composer des thrillers originaux et efficaces.
En 2012, il amorce une série de romans policiers historiques située pendant la guerre civile irlandaise des années 1980 et ayant pour héros le sergent Sean Duffy, un flic catholique en plein Ulster.
En parallèle à ses récits criminels, McKinty publie, à partir de 2006, des ouvrages de littérature d'enfance et de jeunesse avec la trilogie "The Lighthouse".